Francis Picabia vu de Suisse et d’Amérique. Sur les rétrospectives de Francis Picabia au Kunsthaus Zurich et au MoMA, New York
Avec ces rétrospectives présentées en juin au Kunsthaus de Zurich, puis en novembre au MoMA de New York, l’année 2016 aura été riche en événements sur Francis Picabia. Dans la ville qui abrite encore le Cabaret Voltaire, Cathérine Hug avait d’abord monté, pour le Kunsthaus, l’exposition Dadaglobe Reconstructed à partir d’œuvres dadaïstes et de nombreux documents d’archives. L’exposition Picabia, notre tête est ronde pour permettre à la pensée de changer de direction est le fruit de la collaboration de Cathérine Hug et de Anne Umland [1], conservatrice au MoMA. Œuvrant de concert, les deux commissaires ont sélectionné dans l’œuvre foisonnante de Picabia un ensemble de « 200 œuvres, incluant 125 peintures, des travaux sur papier, des périodiques, des éléments imprimés, des lettres illustrées et un film [2] ».
Une personnalité controversée
Par le truchement des deux grandes institutions partenaires, des choix ont été opérés à l’intérieur de collections privées ou publiques en Europe et aux USA Mais dans quelle optique ? Pour donner quelle vision de l’artiste plus de cinquante ans après sa mort ? Toujours utile, le communiqué de presse dessine une image assez précise, celle que les commissaires ont eu à cœur de faire passer après la vingtaine de rétrospectives qui se sont succédé entre 1970 et 2007 : « Parmi les grands artistes du XXe, Picabia reste une personnalité controversée. Tout au long de sa vie, il a sapé les mécanismes des jugements de valeur visant à différencier et à hiérarchiser le grand art et le kitsch ou le conservatisme et le radicalisme. Très critique envers lui-même, armé d’un humour mordant, il remet en cause les fondements de l’art moderne ». Les œuvres sélectionnées par les deux commissaires « illustrent cette personnalité aux multiples facettes ». On insiste sur les surprises que réserve cet artiste cherchant « inlassablement à se réinventer lui-même » et sur le parti pris de « montrer tous les styles[3] ». Paysages inspirés de Sisley ou de Signac, œuvres fauves, orphistes, machines, Monstres, Transparences, peinture réaliste, dimensionniste, tableaux de Points : malgré les levers de bouclier déclenchés par son éclectisme, aucune période de l’artiste n’est dissimulée. Ici se noue déjà une question importante, celle des critères de sélection des œuvres d’art dans l’histoire de l’art, le marché et les musées : depuis les années 1960-1970, sous l’impulsion des artistes du Nouveau Réalisme et du Pop art, les œuvres dadaïstes de Picabia (1915-1925) ont toujours été mises en avant, tandis que le reste du travail était jugé « inférieur », voire carrément inintéressant. Puis, peu à peu, la réhabilitation des autres « styles » eut lieu sous l’impulsion d’autres artistes et de marchands, grâce au soutien des critiques d’art et des historiens. Néanmoins, jusqu’à l’aube des années 1980, une période restait sulfureuse et de très mauvais goût, celle des Nus. Mais nous y reviendrons…
Ces questions de « bonnes ou mauvaises périodes » sont relatives à l’intérêt qu’on leur porte. Nombre d’artistes en ont subi les conséquences. Comme toujours l’approche de Picabia est singulière. Chez lui, changer de style relève d’une décision artistique : rester libre, « avaler du feu[4] », ne pas faire de concessions. Mais il s’agit aussi d’une stratégie visant à semer la zizanie dans les critères d’appréciation et de reconnaissance artistique. Souvent exprimées dans la presse ou les revues, ses prises de position ambiguës lui sont d’autant plus reprochées qu’elles étaient parfois émaillées d’irritantes provocations politiques[5]. En même temps, nul ne peut ignorer que, malgré le soutien indéfectible de Marcel Duchamp, d’Hans Arp et de Michel Seuphor, Picabia a fini sa vie, pauvre mais entouré de ses tableaux dans un petit atelier près de l’Opéra Garnier…
La scénographie des expositions
En dépit de quelques variations[6], les deux rétrospectives dressent un portrait classique et chronologique de l’artiste, dont les œuvres sorties d’un grand chapeau de magicien ne sont jamais mises en confrontation visuelle ou esthétique avec celles des contemporains. Une approche plus culturelle de la peinture de Picabia fait toujours défaut, même si cela n’était assurément pas l’objectif énoncé plus haut. D’ailleurs, en découvrant Udnie (Jeune fille américaine, danse) et Edtaosnil (Ecclésiastique), deux chefs d’œuvre de l’année 1913 enfin réunis, on ne saurait reprocher aux commissaires ce parti pris. Monumentales, ces toiles jumelles furent séparées en 1947 lors de leur acquisition, l’une par le Musée national d’art moderne, l’autre par l’Art Institute de Chicago[7] . En parcourant la salle consacrée aux années « orphistes », on en vient à se demander pourquoi ces œuvres inventives, tour à tour harmonieuses, chaotiques et dissonantes, souvent inspirées par la danse ou le sport, ne sont toujours pas mises en avant par les historiens de l’art.
Il faut aussi souligner la place accordée aux œuvres dadaïstes et à l’importante documentation d’époque (revues, affiches, publications) qui aboutissait, au MoMA, à un essai de reconstitution de l’exposition de la galerie Dalmau de Barcelone où Picabia alterna des portraits d’Espagnoles et des aquarelles inspirées de machines[8]. Dans la continuité (physique et iconographique) de cette salle, on apprécie la possibilité de voir intégralement sur grand écran – hélas pas dans une salle noire – la copie muette du film Entr’acte (1924) détenue par le MoMA. On échappe enfin au montage en boucle de la fameuse scène de la danseuse à barbe et du jeu d’échecs entre Duchamp et Man Ray qui résume trop souvent ce court-métrage. Pour l’historien du cinéma, le moment est important, car cette copie ancienne est différente de la version raccourcie que René Clair monta en 1967 à l’occasion de la sonorisation du film[9].
Plutôt que de mettre en valeur les reprises, les croisements stylistiques ou les permanences qui travaillent l’acte de peindre, chaque salle est l’occasion d’exposer une nouvelle manière, un style différent du précédent. Ce cloisonnement était plus particulièrement visible à New York où les périodes de l’artiste semblaient enchaînées aussi solidement et brillamment que les perles d’un collier. Au Kunsthaus de Zurich, l’espace d’exposition étant plus flexible, les salles n’étaient pas entièrement fermées. Le visiteur pouvait passer entre les cimaises pour prendre un raccourci, mais aussi sauter des étapes, rompre la linéarité chronologique du récit artistique, et établir des connexions entre les œuvres. Cette relative souplesse a permis de réaliser des expériences, comme placer Danse de Saint-Guy à cheval entre deux cimaises [10] ou peindre certaines cloisons en vert, rouille ou violet, en réponse aux coloris grinçants des peintures. Tandis que l’exposition du MoMA obéissait au vénérable canon du white cube, celle de Zurich s’autorisait des fantaisies que Cathérine Hug explique ainsi : « J’avais vu l’exposition Picabia, singulier idéal de Suzanne Pagé et Gérard Audinet, avec des murs blancs, très neutres. Je voulais sortir du white cube. Je trouvais drôle de connecter une salle à une autre par les couleurs, de jouer avec la lumière. Je ne voulais pas que le mariage des couleurs devienne décoratif[11]. » La période tardive des Points est également l’occasion d’accrochages « ludiques » puisque ces tableaux de taille et couleurs variables étaient accrochés à différentes hauteurs sur le mur. La place accordée à la documentation est un autre point de césure intéressant entre les deux conceptions suisse et américaine de l’exposition. Tandis que le MoMA accueille le visiteur par une gigantesque reproduction d’une photographie de funny guy faisant du cyclorameur dans sa maison du Tremblay-sur-Mauldre, le Kunsthaus s’abstient. À New York de nombreuses vitrines occupent le centre des salles, alors qu’elles sont souvent reléguées sur les côtés à Zurich. Le public américain lisant peu dans les expositions, il n’est pas utile, selon Anne Umland, de multiplier les textes en français. En revanche, un enregistrement en anglais de certains textes de Picabia est diffusé discrètement dans une partie de l’espace d’exposition. Dès le départ, Anne Umland ne voulait pas séparer les papiers intimes (les courriers par exemple) de la documentation imprimée (plaquette d’exposition, revues, etc.) De ce fait, les lettres érotiques des années 1940 qui sont au nombre d’une douzaine sont présentées à plat, les unes à côté des autres, sous la protection des vitrines qui accueillent aussi la documentation. Un tel dispositif ne contribue-t-il pas à désamorcer la charge sexuelle et le caractère secret des lettres adressées par Picabia à ses proches[12] ?
Pour Cathérine Hug, « il était important de ne pas refaire l’exposition Dadaglobe, éviter les vitrines, ne pas mettre l’accent sur la documentation. » Elle précise aussi : « Je ne voulais pas forcément présenter des documents illustrés signés de la main de Picabia. Je me suis demandé par exemple si j’allais exposer l’album photographique d’Olga[13] ou bien encore les cahiers de Picabia[14] ». Séparant radicalement documentation (dans les vitrines) et lettres (exposées sur les cimaises), elle choisit de nous faire entrer comme par effraction dans l’univers intime du peintre. La correspondance érotique est présentée sous cadre, tout à la fin de l’exposition derrière les cimaises, près d’un mur violet, dans une ambiance plus feutrée. « Il s’agit d’une pudeur voulue, réfléchie. Ce sont des documents intimes, où l’artiste exprime des fantasmes très personnels. Il me semblait difficile de les exposer dans des vitrines, avec les autres documents, en plein milieu de l’exposition, car j’ai pensé à la gêne du spectateur qui est observé en train de regarder. Et puis cette scénographie m’a permis de mettre en relation ces lettres rédigées pendant la Seconde Guerre mondiale avec les toutes dernières œuvres de l’artiste, créant ainsi un jeu d’aller-retour entre Eros et Thanatos. » Comme nous le verrons ensuite, ces différences sont importantes mais elles n’ont pas permis d’éviter l’incompréhension et les jugements rapides de certains critiques.
Le scandale des Nus
Si Picabia est controversé pour ses changements de style, il est généralement honni pour sa production des années 1940. À Paris, au Grand Palais, en 1976, ses portraits clownesques et surtout ses « nus léchés, réalistes et fessus[15] » lui valurent l’hostilité de la majorité des critiques : « art-égout », « stade terminal de la poubelle, de l’oubli, de la putréfaction », « toiles alimentaires », « pornographiques », « kitsch[16] »… Six ans plus tôt, le Guggenheim de New York avait carrément refusé d’exposer ces toiles maudites.
Pour tout dire, la perception de ces peintures n’a pas vraiment changé aujourd’hui, même si le Kunsthaus et le MoMA leur consacrent une salle entière. En 1942, dans la galerie d’Alger où il découvrit la nouvelle manière de Picabia, le célèbre résistant Max-Pol Fouchet dénonça les faiblesses d’une peinture « académique et bourgeoise[17] », mais il ne fit aucun lien d’aucune sorte avec la peinture nazie. Dans la presse européenne et américaine de 2016, en dépit des précisions apportées dans le catalogue[18], Picabia est souvent accusé d’accointances avec la peinture fasciste[19]. Pour Jason Farago du Guardian, les Nus ressemblent à du « nazi porn[20] ». À cause de leurs poses kitsch, les Cinq femmes de Picabia ressemblent aux nus aryens d’Adolf Ziegler, l’un des peintres officiels nazis[21]. Dans le New York Times[22], Roberta Smith estime que ces peintures figuratives qui empruntent à l’histoire de l’art, aux revues de charme et à l’art commercial présagent le Pop art, l’Appropriation Art et le Néo-expressionnisme. Tout en semant la zizanie dans le bon et le mauvais goût, le high and low, Picabia opposerait sciemment des peintures de « nus aryens » et des œuvres inspirées de l’imagerie hollywoodienne. Pourtant depuis le milieu des années 1990, on sait que l’artiste s’inspirait de photos de nus puisées dans des revues françaises telles que Mon Paris ou Paris Sex Appeal! Dans le même journal, Albert Mobilio estime que les Nus ne sont pas sans rappeler les figures idéalisées de l’art socialiste ou nazi[23]. Dans Art news, Andrew Russeth n’hésite pas à écrire que ces « femmes, toutes blanches, toujours nues pourraient être approuvées par l’art du IIIe Reich[24] ». Quant à Richard B. Woodward du Wall Street Journal[25], il reproche à l’artiste d’être un fauteur de troubles et un perpétuel « mythomane ». Les portraits de Picabia en antisémite ou en réactionnaire d’une horrible vulgarité et d’une totale ambiguïté sont nombreux[26]. Dans un article[27] paru dans Azione à Lugano, Gianluigi Bellei se réfère même à l’article d’Yve-Alain Bois qui avait mis le feu aux poudres en 1976. Pourtant les historiens et les documentalistes ont travaillé depuis, et même si Picabia n’était pas une oie blanche, aucun biographe sérieux n’oserait encore affirmer sans nuance qu’« il se vit interner à Cannes pour collaboration[28] ». En 1976, on pouvait encore parler d’ignorance, aujourd’hui on sait que les choses furent beaucoup plus complexes : Picabia abrita par exemple les artistes surréalistes Henri Goetz et Christine Boumeester, tous deux juifs et recherchés par les nazis[29].
Dans Texte zur Kunst, l’analyse de Simon Baier[30] apporte d’autres éléments pour aborder ce problème esthétique et moral. Évitant les notions convenues d’ironie dadaïste et de pastiche, l’auteur s’interroge sur la corporalité dans la peinture de Picabia et ses connexions avec l’art commercial depuis les toiles post-impressionnistes jusqu’aux Nus (vendus à la galerie Pasteur d’Alger en 1942) en passant par les Espagnoles. Qualifier ces peintures de « laides » ou « mauvaises » lui semble lié au fait qu’on les pense « conformes » aux doctrines fascistes en matière de représentation. Pourtant, ce qui est en jeu pour Picabia reste la pratique de l’« appropriation ». Pour le démontrer[31], Baier cite Les Baigneuses (1941) et Cinq femmes (1941-43), des peintures faites d’après photographie qui jouent sur les contrastes, transforment les personnes en silhouettes soulignées d’un trait noir de telle sorte que les corps semblent « adimensionnels ».
On aurait pu penser que l’exposition West Kunst de Kaspar König à Cologne en 1981 avait changé la donne en permettant à nombre d’artistes – dont David Salle – de découvrir ces portraits et ces nus, qui furent très vite introduits sur le marché allemand et américain par le biais des galeries Hans Neuendorf et Michäel Werner. On aurait pu penser que la bad painting des artistes allemands et américains des années 1980 et les réflexions sur la parodie, l’appropriation et le post-moderne[32] avaient modifié la perception de l’œuvre de Picabia. Il n’en est rien. Nous sommes loin de l’époque où Michèle C. Cone affirmait à propos de Picabia et Salle : « la comparaison entre les maîtres anciens et les jeunes peintres doit être encouragée.[33] » L’ère de l’anathème, de l’exclusion et de la simplification à outrance est revenue. Peut-être faudrait-il dire qu’on n’en est jamais vraiment sorti ? Par ricochet, un moralisme aveugle et ignare menace de censurer l’art actuel, de même qu’il atteint les Nus de Picabia ou L’Origine du monde de Courbet. En Europe comme aux USA, les méprises sur le peintre ainsi que les rejets rapides et mimétiques des journalistes auraient pu être dissipés par une simple recherche historique. Il faut l’affirmer haut et fort une fois encore : inspirés par les photographies de revues érotiques, les Nus de Picabia n’ont rien en commun avec les jeunes sportives de la Nation, les mères paysannes entourées de leur progéniture, les représentations de l’Effort dans la joie ou les mythologies antiques de la propagande nazie. Le traitement pictural est lisse, souvent contrasté et parfois cerné d’un trait noir, ce qui fait plus penser à la manière espagnole d’Édouard Manet qu’aux peintures nazies de Ziegler[34]. On l’aura compris : refuser la notion même de « style », multiplier les expériences limites et les « ismes » (fauvisme, impressionnisme, dimensionnisme, réalisme, etc.), se montrer ironique à l’égard de l’art marchand, des références et de la fonction du peintre, tout cela reste un petit jeu dangereux.
- [1] Anne Umland a présenté au MoMA de nombreuses expositions d’art moderne, notamment la rétrospective Pablo Picasso ou encore celle de René Magritte. ↩
- [2] Information issue du dossier de presse des expositions. ↩
- [3] Ce qui fut déjà l’objectif de Suzanne Pagé et Gérard Audinet lors de la rétrospective Picabia, singulier idéal, au MAMVP en 2003. ↩
- [4] À Georges Charbonnier qui lui demandait : « Qu’est-ce qu’un artiste ? », Picabia répondit : « C’est un homme qui mange du feu, qui peut avaler du feu » (1950). ↩
- [5] À ce propos, voir mon texte dans le catalogue de l’exposition Picabia et la Côte d’Azur, Nice, 1991, pp. 32-36. ↩
- [6] Certaines œuvres n’ont été présentées qu’au MoMA, d’autres qu’au KHZ (une vingtaine au total). ↩
- [7] Dans l’espoir de les céder à un musée national français, ces deux magistrales toiles retrouvées en piteux état avaient été rénovées par l’artiste, avec l’aide de Christine Boumeester. ↩
- [8] La photo qui servit de modèle à cette citation était agrandie. Toutefois, les tapis posés au sol et les quelques aquarelles accrochées très près les unes des autres sur un fond noir ne restituaient pas le caractère frondeur de cette exposition de 1922 où Picabia refusait déjà de choisir entre abstraction et figuration. ↩
- [9] Sur ce sujet, voir mon livre sur Relâche, dernier coup d’éclat des Ballets suédois, dont la publication est prévue au premier trimestre 2017 aux éditions Les presses du réel. ↩
- [10] Conservée au MNAM, cette œuvre de la période dada était faite pour être suspendue dans l’espace. ↩
- [11] Les citations de Cathérine Hug sont issues d’un entretien téléphonique, le 1er décembre 2016. ↩
- [12] Ces lettres écrites entre 1946 et 1951 furent adressées à Suzanne Romain, Christine Boumeester et Jean van Heeckeren. ↩
- [13] Olga Mohler, Francis Picabia, Turin, Notizie, 1975. Olga fut la deuxième femme de Picabia. ↩
- [14] Les cahiers de Picabia, collection de coupures de presses, de courriers et quelques photos sont conservés à la Bibliothèque Littéraire Jacques Doucet, Paris. ↩
- [15] Pierre Restany, « I like Picabia al Limone con Funghi », XXe siècle, n° 46, septembre 1976, p. 12. ↩
- [16] Voir Schuldt, « La récupération d’un rastaquouère », catalogue de l’exposition Picabia, Grand Palais, 1976, p. 30-31. D’Otto Hahn à Bernard Teyssèdre, les comptes-rendus des journalistes furent tout aussi négatifs. ↩
- [17] Max-Pol Fouchet, « Francis Picabia ou l’incendiaire devenu pompier », L’Écho d’Alger, 22 janvier 1942, n.p. ↩
- [18] Voir Michèle C. Cone, « La guerre de Picabia », Picabia, notre tête est ronde pour permettre à la pensée de changer de direction, catalogue de l’exposition du Kunsthaus Zurich, 3 juin – 25 septembre 2016 et du MoMA, New York, 20 novembre-19 mars 2017, p. 225-230, et Rachel Silveri, « Pharamousse, Funny Guy, Francis le raté : la vie de Francis Picabia », ibid., p. 334-335. ↩
- [19] Gerhard Mack estime qu’il est audacieux de mélanger « esthétique nazie et pornographie », voir « Pin-up im Nazi-Look », NZZ am Sonntag, 10 juillet 2016. Claudia Jolles se demande s’il s’agit de « Nazi-kitsch ou plutôt d’ironie ? », Kunst Bulletin du 1er septembre 2016. Andreas Bayer évoque des « Pin-up » contestées appartenant au réalisme magique (« magisch realistischen Figurenbilder ») et que beaucoup ont associé à l’art nazi (« Nazi-Kunst »). Voir « Auf der Überholspur der Avantgarde », Frankfurter Allgemeine Zeitung, 11 août 2016. ↩
- [20] Jason Farago, The Guardian, 23 novembre 2016. Est-ce une réponse à Philippe Dagen qui écrivait dans Le Monde, puis dans The Guardian : « Par montages et greffes de corps pris dans ces clichés, il obtient des scènes lascives qu’il peint en infligeant à la peau des fards trop blancs, aux lèvres des rouges trop rouges, aux yeux des regards idiots. La photo, le cinéma et la tradition du nu idéal en sortent ridicules. On ne saurait exclure qu’il se rit aussi du néoclassicisme cher aux totalitarisme : la plupart de ces œuvres datent en effet de l’Occupation. Elles ont été longtemps maudites, tant elles suscitent le malaise. » ? ↩
- [21] À ce propos, voir Carole Boulbès, « Francis Picabia, les nus, les photos, la vie… (1938-1949) », http://caroleboulbes.blogspot.fr, article traduit en anglais et allemand dans le catalogue de l’exposition Picabia, fleurs de chair, fleurs d’âme, galerie Hauser & Wirth, Cologne, Oktagon, 1997, ainsi qu’en portugais dans le catalogue Francis Picabia, Centre culturel du Bélem, Lisbonne, juin-août 1997. ↩
- [22] « Sometimes he produced skilled hackwork, obviously on purpose: paintings of Aryan nudes or works that seem based on Hollywood publicity stills », voir Roberta Smith, « Francis Picabia, the Playboy Prankster of Modernism », The New York Times, 17 novembre 2016. ↩
- [23] « The earnest realism renders bodies in ways not entirely unreminiscent of Socialist or Nazi versions of idealized figures. », voir Albert Mobilio, « Francis Picabia », The New York Times, 4 décembre 2016. ↩
- [24] « The women, all white, often nude, could almost be Third Reich–approved art, the curators note. », voir Andrew Russeth, « Monster mash », Art News, 17 novembre 2016. Pourtant Picabia a peint des femmes blanches, noires et albinos, nues ou habillées, seules ou enlacées, en train de boire et de fumer, ce qui semble aux antipodes de la propagande nazie. ↩
- [25] « a born troublemaker and lifelong mythomane », voir Richard B. Woodward, « Picabia: a party-boy provocateur », The Wall Street Journal, 21 novembre 2016. Ces insultes n’ont toutefois pas empêché Christie’s New York de vendre pour 403.500 dollars un petit dessin dadaïste de Picabia intitulé Phrmacie Duchamps au moment de l’ouverture de la rétrospective ! ↩
- [26] Voir Ariella Budick, « Francis Picabia, MoMA, New York, “Cruel brilliance” », Financial Times, 27 novembre 2016 ; Peter Schjeldahl, « Francis Picabia, Trouble Maker », The New Yorker, 28 novembre 2016 ; R.C. Baker, « Nihilist’s Delight », The Voice, 29 novembre 2016. ↩
- [27] Gianluigi Bellei, « In bilico fra contestazione e tradizione », Azione 29, 18 juillet 2016. ↩
- [28] Dans cet article, Bois s’efforçait de résumer les ambiguïtés politiques de Picabia, blâmait son indifférence et écrivait à propos des tableaux de la guerre : « Ceux-ci, non d’un point de vue “thématique”, mais d’un point de vue stylistique, ne sont pas tellement éloignés des toiles des artistes officiels du IIIe Reich », voir Yve-Alain Bois, « De Dada à Pétain », Macula, n° 1, 1976, note n° 6, p 122. Pour un résumé de ces questions épineuses qui résultent de la désinvolture tout à fait regrettable de l’artiste, voir Picabia, singulier idéal, op. cit., p. 445, et Rachel Silveri, op. cit. ↩
- [29] « Avec son esprit de contradiction habituel, il disait du bien des Occupants à ses amis, car tous étaient contre eux, mais devant des personnes de l’autre bord, il les aurait attaqués avec la même virulence. Cela lui valut des ennuis à la Libération. J’avais tout fait, à ce moment-là, pour qu’il parte à Paris, mais il refusa en disant qu’il n’avait rien fait de compromettant, ce qui était la stricte vérité. Bien au contraire, il avait aidé des amis résistants en situation difficile, au prix d’un danger certain pour lui. », voir Henri Goetz, « Ma vie, mes amis », Cahiers du Musée national d’art moderne, n° 10, novembre 1982. ↩
- [30] Simon Baier, « Habeas Corpus », Texte zur Kunst, n° 103, septembre 2016. ↩
- [31] Je m’associe d’autant plus à cette analyse que j’affirmais déjà, dans un article de 1997, que la peinture réaliste de Gustave Courbet pouvait être vue comme une des sources des œuvres maudites de Picabia. Si on ne peut nier que la figuration réaliste ainsi que le monumentalisme furent des signes distinctifs des différents totalitarismes au XXe siècle, n’oublions que le réalisme triomphait déjà dans des œuvres telles que L’Atelier de l’artiste, Les Dormeuses ou Les Baigneuses du révolutionnaire Gustave Courbet ! Voir la note n° 21. ↩
- [32] Voir par exemple les articles de Benjamin Buchloh, « Parody and appropriation in Francis Picabia, Pop, and Sigmar Polke », Artforum, vol. 20, n° 7, mars 1982 et Michèle C. Cone, « Francis Picabia et David Salle », Flash art, janvier 1984, p. 31. ↩
- [33] Voir la note précédente. Dans le catalogue Francis Picabia, musée des Beaux-Arts, association Carré d’Art, Nîmes, 1986, et dans le catalogue Picabia, singulier idéal, le principe était justement de demander aux artistes contemporains d’expliquer leur rapport à Picabia. En 2016, seule Cathérine Hug a poursuivi cette interrogation avec notamment Jean-Jacques Lebel, David Salle, Fischli et Weiss, Albert Oehlen et Rita Vitorelli. ↩
- [34] Voir le catalogue Manet, Velásquez, la manière espagnole au XIXe siècle, Paris, Musée d’Orsay, 2002, pp. 77, 170, 188. ↩